Xavier Wargnier et les nouveaux modèles de l’édition

26 octobre 2016

Xavier Wargniez

 

Alors que le monde bascule chaque jour un peu plus dans le digital, Xavier Wargnier a fondé il y a un peu plus de 8 ans les Editions Kawa, et plus récemment Les Sommets du Digital.

Rencontre avec un éditeur atypique.

 

Aujourd’hui,les contenus digitaux fleurissent de partout – et bon nombre de tes auteurs sont des twittos, des blogueurs, etc. : d’où vient cette légitimité et cette pérennité de l’écrit à l’heure du tout numérique ? 

Xavier Wargnier : Je crois justement que l’écrit (livre) ne se porte pas si mal et que ce tsunami annoncé se calme. C’est une tendance de fond et chez Editions Kawa, nous sentons justement que le livre au sens traditionnel re-devient un fondamental comme source fiable devant la multiplicité des livres blancs de plus ou moins bonne qualité, devant des contre-informations régulières que l’on trouve en pagaille sur le net … Après, ce qui a changé c’est surtout la façon de lire. 

Les livres sur le marketing, l’innovation et le digital chez Editions Kawa ont évolués depuis quelques années en privilégiant des auteurs habitués aux pratiques du tout numérique : un style court et direct, une possibilité de passer d’une chapitre à l’autre, une information à jour … Et c’est pourquoi nous privilégions le recrutement d’auteurs qui vivent pleinement cette époque digitale et qui sont des « makers » c’est à dire des acteurs de ce monde digitale et pas seulement des théoriciens.

 

Cette année, tu as lancé les Sommets du Digital à La Clusaz et 2017 verra la seconde édition : à l’heure des communautés en ligne, des telles rencontres, c’est un challenge à contre-courant ?

Xavier Wargnier : Là encore, et le succès de la première édition en est une preuve, le digital et l’humain peuvent absolument faire bon ménage! Je suis de ceux qui pensent que le numérique rapproche encore plus l’humain en permettant à tous de communiquer, de partager, et de créer sa communauté. Les outils comme les réseaux sociaux peuvent formidablement rapprocher et les Sommets du Digital n’existeraient pas sans eux je pense. Le digital permet tout cela et permet la rencontre en vrai !

Les Sommets du Digital, c’est justement 300 personnes qui vont pendant 3 jours vivre une expérience humaine incroyable et tout autour et avec le numérique. C’est un peu comme une passerelle entre nos livres et leurs lecteurs. Pour moi cette frontière entre le digital et le physique est une vue de l’esprit et un faux débat. A titre privé comme professionnel, j’utilise le numérique et je vis avec pleinement mais c’est rarement au détriment du réel, bien au contraire. Je n’ai jamais autant rencontré de nouvelles personnes que depuis l’explosion du web. Il ne se passe pas une semaine sans que je rencontre physiquement une nouvelle personne de ma communauté digitale. 

Il est certain que je ne connais tous mes 5000 « amis » Facebook par exemple, mais j’en ai rencontré physiquement beaucoup, et quelques fois après plusieurs années d’échanges sur le net. Une des phrases qui étaient ressorties spontanément lors de la première édition des Sommets du Digital illustre bien cette tendance : « le digital sera humain ou ne sera pas! ».

 

Récemment, Minutebuzz a vidé son site internet et décidé de tout miser sur la vidéo sous prétexte que les Millennials ne lisent plus : étrange ou logique ? Entre écrit et vidéo, entre papier et électronique, comment envisages-tu le futur de l’édition ?

 

Xavier Wargnier : On a de plus en plus la culture de l’image (instagram, Youtube, les emoticones,…) et du direct (periscope, snapchat ou Facebook live), c’est certain. Pour autant, l’édition n’est pas morte ! Je pense simplement que l’édition s’adapte et doit encore vivre sa révolution. Tous les secteurs sont en pleines ruptures et l’édition n’échappe pas à la règle. Pour moi, c’est une chance et ma maison d’éditions se pose chaque jour la question de notre disrupture et c’est une bonne chose! Je vois tout ça comme une opportunité et une aventure passionnante.

C’est une chance pour une jeune maison d’édition, car le sytème classique du secteur change et laisse la possibilité de redistribuer les cartes. Il n’est pas rare que je sorte de ma réserve naturelle lorsque j’échange avec certains grands du secteur qui cherchent plus à préserver leurs anciens mondes que d’embrasser ce nouveau qui s’offre à eux. A vouloir vivre dans le passé ou jouer la montre,c’est perdu d’avance ! Je suis un des rares éditeurs qui trouve que cette époque est une chance pour notre secteur. Dans un monde idéal j’aimerai tellement que l’on puisse redéfinir la notion du livre du futur. Je rêve que tous les écrits du monde soient numérisés et accessibles pour construire SON livre : le livre idéal serai pour moi un livre où il n’existe pas de frontières entre un éditeur et un autre, entre un auteur et un autre, entre une langue et une autre, de sorte que je puisse piocher un peu partout pour fabriquer le livre idéal en fonction de mes attentes. Et je ne parle pas des barrières de la diffusion et de la distribution du livre qui a aussi besoin d’une révolution.

On aura toujours besoin du livre même si sa forme change. On achètera toujours des livres,mais pas au même endroit et de la même manière. Pour le présent, le cas Amazon est assez révélateur, je trouve, car en dehors de tout débat annexe sur sa fiscalité ou sa gestion de l’humain, Amazon est un innovateur qui a juste replacer le besoin du client au centre de tout. Le lecteur veut quoi finalement ? Il veut du choix, de la disponibilité, du service et de la personnalisation. Amazon offre ça avec sa livraison efficace et rapide, sa gestion de la data permettant de proposer efficacement des livres… 

Editions Kawa vient de signer avec Amazon le Print On demand qui permet, notamment à l’étranger, d’avoir nos livres toujours disponibles à la vente car ils impriment directement le livre comme si nous l’avions fait nous-mêmes. La chaîne est courte, efficace et directe. Je discute souvent avec des libraires classiques et certains sont prêts à vivre leur révolution aussi en proposant un mix entre physique et numérique et en utilisant les atouts de chacun. Par exemple, un libraire peut très bien installer dans sa boutique une imprimante du livre (2 minutes en moyenne pour un livre complet) et des supports numériques pour choisir dans une base de données contenant l’ensemble des livres. Le libraire peut ainsi jouer à armes égales avec les géants comme Amazon, le contact humain en plus !

 

Aller plus loin…

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