Frédéric Canevet vient de publier : Le Growth Hacking, sous-titré : 8 semaines pour doubler le nombre de vos prospects. Rencontre avec l’auteur.
Nexize : Tu viens de publier un nouveau livre sur le Growth Hacking … or, il y a quasiment de définitions du Growth Hacking que de Growth Hackers : c’est quoi, la tienne ?
Frédéric Canevet : Tu as tout à fait raison : le Growth Hacking est plus un « concept » protéiforme que chacun adapte à sa sauce selon ses compétences.
Pour certains c’est « être plus malin que les autres » et détourner le système (quitte à faire des actions à la limité de la légalité), pour d’autres c’est automatiser les process…
Pour moi, la définition du Growth Hacking, c’est « l’efficacité maximale », c’est dire « Une méthode et des astuces pour croître plus rapidement, sans avoir de gros moyens, avec une culture orientée ROI et résultats rapides… quitte à oser remettre en cause les règles établies »
Il faut distinguer 2 éléments dans le Growth Hacking :
- Growth = La méthode pour assurer une croissance à court et moyen terme, en optimisant ses ressources grâce au tunnel AARRR et à une rationnalisant ses choix. Le tunnel AARRR permet de modéliser le tunnel des ventes, avec les différentes phases de la vie d’un client.
- Hacking = Les astuces et les outils pour croître plus vite que les autres, sachant que l’on peut automatiser, sous-traiter, remettre en cause les règles établies …
Souvent, les marketers débutants voient surtout la partie « hacking », car c’est celle qui fait rêver : utiliser des astuces pour « doper » sa croissance.
Mais sans structure, on fait des « coups » et on ne va pas assurer la croissance de son entreprise sur le long terme.
C’est pourquoi je distingue 3 types de Growth Hackers :
- Le White Growth Hacker, comme Dick Fosbury qui ose remettre en cause les règles d’un marché.
- Le Gray Growth Hacker, comme Greg Lemon, qui prend des risques et qui agit de manière rationnelle.
- Le Black Hat Growth Hacker, comme Lance Amstrong, qui est hors la Loi, avec comme idée « Pas vu, pas pris », et qui mise tout sur le court terme.
Nexize : Le Growth Hacking, ce n’est pas un effet de mode lié à l’engouement des marketers pour les startups ?
Frédéric Canevet : Oui … et non !
Certaines startups ayant eu un succès fulgurant grâce à certaines techniques, qu’il est devenu « indispensable » pour toute startups d’avoir son « growth hacker ». Le Growth Hacker peut d’une part structurer les actions à mettre en place dans un environnement contrait (en temps, en argent…), et d’autre part lancer des actions pour amorcer la visibilité de l’entreprise, avant de mettre en place l’arsenal marketing classique.
Dans certains programmes de formation (ex : The Family), c’est d’ailleurs devenu une étape obligée.
En même temps, grâce à la mondialisation des marchés et des outils (ex : Facebook, Linkedin …), les outils de Growth Hacking sont devenus accessibles à tous.
Comme le Growth Hacking fait peur aux grandes entreprises, et fait rêver les petites, c’est devenu un peu la « formule magique » pour faire décoller un business.
Dans les grandes entreprises, c’est compliqué à mettre en œuvre car il y a une image à soigner, une peur du risque … en revanche dans les startups, comme c’est la « croissance ou la mort », le Growth Hacking reste indispensable.
Cependant, à moyen ou long terme, le Growth Hacking arrive à ses limites pour 3 raisons :
- Les techniques de « Hacking » perdent de l’utilité dès que tout le monde les appliquent. Il y a donc toujours une course en avant.
- Le « hacking » est de plus en plus encadré, en particulier avec le règlement RGPD sur la protection des données privées.
- Les sites et plateformes se protègent de plus de en plus des hackers « amateurs », par exemple Linkedin, Twitter… qui cherchent à interdire l’utilisation des outils de Growth Hacking sur leurs plateformes.
Nexize : Le livre commence par parler « persona », une autre façon de parler des cibles, puis « USP » : cibles et USP, c’est du très très vieux marketing …
Frédéric Canevet : En effet le livre commence avec les « classiques » du marketing, car le livre débute par le « market fit », c’est-à-dire la validation de l’offre au marché.
On aura beau utiliser toutes les techniques de Growth Hacking, si le produit n’est pas adapté au marché, alors on va à l’échec.
Il faut donc partir de la « base », avec les techniques classiques de validation de son offre, avec par exemple « design thinking», qui est la cocréation :
D’ailleurs, l’exemple du concept « design thinking », montre aussi que toutes ces techniques (dont le Growth Hacking), ne sont que du remarketing de techniques marketing anciennes.
On remet à la mode des concepts en leur donnant un nouveau nom !
Pour revenir au livre, les 8 semaines (= 8 chapitres) ont été conçus pour accompagner une entreprise de l’idée du produit à sa commercialisation. C’est pour cela qu’il y a des chapitres consacrés aux personas, à l’USP…
Cependant, pour eux qui ont déjà une activité (en ligne ou dans la vie de tous les jours), j’ai réalisé 4h de formation vidéo pour apprendre justement à optimiser le tunnel AARRR, en partant d’un audit, puis en sélectionnant les bonnes idées via la méthode ICE (c’est-à-dire choisir les idées en fonction de leur Impact (en termes de CA ou d’image) / Coût (tout compris, pas que l’achat) / Effort (à la fois l’envie et les problèmes techniques)
La démarche de Growth Hacking est alors la suivante :
Et ensuite on priorise ses idées en notant chaque option avec une note de 1 à 10 :
Nexize : Vous vous proposez de doubler le nombre des prospects … mais quid des ventes ?
Frédéric Canevet : Pour le livre, nous devions avoir un titre clair, et « Le Growth Hacking » était ce qui était le plus adapté.
Mais c’est vrai que la « promesse » (ou le slogan) devait donner envie aux acheteurs, en étant totalement compréhensible par tous (car les termes anglais, et encore plus le Growth Hacking, ne sont pas encore passés dans le grand public).
Restait à trouver une promesse à la fois sexy, et réaliste.
C’était une des interrogations lors de la création du livre : doit on parler de doubler les ventes ou doubler les prospects …
Le premier réflexe était de parler de prospects, car cela permet d’avoir une promesse intéressante, mais pas assez crédible à mon goût …
J’ai validé cette idée (comme le préconise le Growth Hacking !), via 100 € dépenses en publicité Facebook Ads sur une cible de Web Marketeurs.
J’ai ainsi validé de manière rationnelle le nom du livre, ce qui permet d’être sûr du meilleur nom pour une offre.
Nexize : Le 1er exemple de Growth Hacking, c’est Airbnb qui détourne les clients de Craigslist : c’est parfois un peu border line, le Growth Hacking …
Frédéric Canevet : Tout à fait, c’est le problème du Growth Hacking : trop de personnes l’associent à des techniques illégales (le hacking, c’est-à-dire détourner le système), et non pas à la mise en place d’un processus rationnel pour assurer la croissance de son entreprise (le Growth).
Et donc, la première étape pour la plupart des nouveaux fans du Growth Hacking, c’est d’automatiser des process, de spammer, de casser les codes …
C’est aussi une quasi obligation pour une startup qui n’a pas beaucoup de moyens : elle doit trouver vite ses premiers clients, ou mourir. Il faut donc faire différemment de tout se qui se fait actuellement.
La solution de facilité étant d’aller capter du trafic là où il est, c’est-à-dire sur les carrefours d’audience, ou d’aller séduire les clients des leaders sur marché qui se sont endormis sur leurs lauriers, ou embourbés dans de lourds process.
Mais rapidement, on arrivera à des limites si on ne mesure pas les résultats de ses actions. C’est pourquoi la mise en place du tunnel AARRR (et des autres tunnels de conversion) devient indispensable.
Un fois l’amorçage du business réalisé, les entreprises doivent alors mettre en place les techniques marketing classiques, et travailler leur branding, faire de la publicité payante, faire du content marketing … afin d’élargir leur audience.
C’est par exemple le cas d’Air BnB qui utilise les outils marketing corporate (affichage dans le métro, publicité…), tout en gardant l’esprit « growth hacking » en osant casser les codes et surtout mesurer tout.