Dans la série « Mythes du 21ème siècle », Second Life nous rappelle une époque révolue : la préhistoire d’avant Facebook !
Lorsqu’on interroge de jeunes internautes, plus personne ne connaît Second Life, et les plus anciens pensent que le méta-univers a sombré corps et âme ; et pourtant, il survit à sa déchéance, au purgatoire des révolutions mort-nées.
Né en 2003, Second Life connaîtra son heure de gloire en France en 2007, quand les candidats majeurs à l’élection présidentielle – Sarkozy et Royal en tête – ouvriront leur ile : car sur Second Life, nous – enfin nos avatars – vivions sur des iles.
Second Life préfigurait l’Internet du futur, un Internet en 3D où les individus se déplaçaient sous forme d’avatars et où, au lieu de créer des sites, on bâtissait des … iles ! Et où on se déplaçait en volant … Univers de fantasy, prompt à séduire les amateurs de jeux vidéo et les amoureux des pixels aux formes avantageuses.
Mais aussi les grandes entreprises : IBM disposait d’une multitude d’îles pour y organiser des conférences internes tandis que les plus grandes banques françaises y ouvraient des bureaux de recrutement où des avatars RH recevaient les avatars candidats : on ne rit pas !
En 2007, les 150 000 français présents sur le méta-univers constituaient la seconde communauté derrière les américains et devant les allemands. Aujourd’hui son audience globale est estimée à 900 000 individus.. soit 0,005% des utilisateurs de Facebook.
Le big blue historique -IBM – a fermé son archipel et les hommes politiques mènent campagne sur Twitter ou Facebook.
Pourquoi une si rapide désaffection : pour de multiples raisons.
Tout d’abord, Second Life frappait sa propre monnaie, les Linden Dollars – du nom de Linden Lab, créateur de l’univers, échangeables en « vrais » dollars selon le cours du jour, ce que les autorités américaines virent rapidement d’un très mauvais œil : les états n’apprécient que fort peu que l’on s’attribue leurs droits régaliens, sans compter que le système favorisait les activités illégales les plus diverses, notamment le blanchiment d’argent sale. Et dès 2007, les casinos seront interdits.
Autre activité importante : la prostitution, via avatars évidemment, y compris infantile ! Là encore, les autorités vont taper du poing sur la table et les conditions générales d’utilisation vont devenir plus strictes.
Mais surtout, c’est la techno 3D, gourmande en capacité de calcul et donc en temps, qui va plomber Second Life : quand on se déplace d’ile en ile, on voyage en fait au sein d’espaces désertiques, et ce n’est qu’après atterrissage que le décor se construit peu à peu autour de notre avatar, avec sa population exotique et souvent clairsemée. Frustrant…
Bref, Second Life, c’était une certaine idée de virtualité à la papa, dont la fantasy constituait la 1ère voire la seule voie.
10 ans plus tard, on mesure le chemin (on n’a pas dit progrès…) parcouru.
Les jeux video qui cartonnent rivalisent de réalisme (Watchdogs, par exemple) quand nos vies quotidiennes se virtualisent à toute vitesse (quantified self, social networking, etc…).
Ce qui a changé ? L’utilisateur a été incité à passer du statut de spectateur parfois acteur à celui de producteur ininterrompu (qui a dit compulsif ?) de contenu (et surtout de datas, ce fameux pétrole du XXIème siècle).
Plus besoin de monnaie virtuelle, donc, car une grande part de l’économie du web repose sur ce basculement.
Oui, c’est moins drôle : car si on lit bien les CGU de Facebook, on n’a même plus le droit de se faire passer pour Wanda ou Bozo le clown quand on s’appelle bêtement Bernard…
Moins de fantasy pour plus de monétisation : c’est fou comme on change de siècle en seulement 10 ans…