« L’éternité, c’est long, surtout vers la fin », plaisantait Woody Allen, ce qui devrait donner à réfléchir à un certain Ray Kurzweil, le « pape » du transhumanisme, ou son chantre français, le docteur Laurent Alexandre, capable d’affirmer aux Echos : « Grâce aux progrès foudroyant de l’industrie du vivant, l’homme qui vivra 1000 ans est déjà né ».
Nota : pour ceux qui ignoreraient encore tout du transhumanisme et de ses brillants zélateurs, Wikipédia en parle ici très bien.
Même si le transhumanisme n’est pas exempt d’implications religieuses – offrir aux hommes d’accéder à une quasi éternité remet en cause l’autorité divine –, il ne constitue en rien une religion : il se situe dans une autre … temporalité.
Les principales religions monothéistes situent la vie éternelle après la mort tandis que pour le transhumanisme, elle devient accessible ici et maintenant – presque, quelques petits réglages restant cependant à effectuer ; et en ce sens, l’éternité transhumaniste constitue bien un mythe contemporain.
Bien évidemment pour la pensée mythique, l’éternité n’est pas de notre monde – la réalité de la mort constituant une très évidente contradiction ; mais elle ne la renvoie pas non plus dans un au-delà incertain : elle la place donc dans les seuls espaces temporels disponibles : le passé ou les mondes parallèles.
Les mondes parallèles, c’est par exemple l’Olympe, inaccessible aux humains … sauf exceptions, pour les demi-dieux, voire certains héros ; en fait une réconfortante allégorie ou une représentation onirique et psychanalytique, au choix !
Le passé, c’est le mythe de l’âge d’or, celui du règne de Saturne et de l’éternel printemps qui suit la création de l’Homme ; un monde particulièrement agréable où « en l’absence de tout justicier, spontanément, sans loi, la bonne foi et l’honnêteté y étaient pratiquées », chantait Ovide.
L’éternité trouvera hélas son terme le jour où Zeus précipitera Saturne – Cronos en grec – dans le Tartare : contrairement à l’expulsion de l’homme du Jardin d’Éden, ce dernier n’est en rien responsable de sa chute : juste un conflit entre père et fils dont les humains feront les frais.
L’éternité constituait donc le lot commun de l’humanité : en ce sens, le transhumanisme ne fait que rétablir une injustice, l’homme ayant perdu son éternité par la faute des dieux, et non par son fait.
Toutefois, pour que le transhumanisme demeure un mythe, encore faut-il qu’il … échoue : car si demain, nous visons tous 1000 ans, il deviendra une réalité !
D’ici là, nous aurons toujours à affronter la « Grande Faucheuse », en espérant que l’éternité ne soit pas seulement un mythe, mais se situe bien dans l’au-delà – en ayant à l’esprit cette autre pensée de Woody Allen : « Je n’ai pas peur de la mort, mais quand elle se présentera, j’aimerais autant être absent ».