L’ubérisation de la société ne touche pas que les chauffeurs de taxi ou les livreurs de repas : elle s’attaque aussi au monde magique de la publicité… par la grâce conjuguée des médias sociaux et de nouvelles agences spécialisées.
Dans le monde d’avant, quand un maroquinier voulait promouvoir son dernier sac à main par exemple, son agence de RP contactait les supports adéquats (Elle, Madame Figaro, etc.) tandis que son agence de communication y achetait de pleines pages de pub : bien sûr, rien ne garantissait les rédactionnels – déontologie oblige – mais pas toujours facile de refuser tout retour d’ascenseur à un bon client !
Aujourd’hui, ce même annonceur peut rentrer en contact avec des Youtubeurs ou des Instagrameurs qui feront tout le job : créatif, rédactionnel… contre une (toute) petite contrepartie (goodies, invitations…) voire un peu de cash : plus simple – encore que … – plus tendance, plus efficace … pour l’instant !
« Vae victis » – les victimes étant les acteurs historiques de cet écosystème : médias et journalistes puisque nos nouveaux influenceurs cumulent les trois fonctions : ils posent, ils écrivent (tournent) et publient sur la chaine qu’ils ont créé… avec le petit supplément d’âme et la personnalité propre qui leur ont permis de développer leur audience.
On dit souvent qu’aucun média n’a disparu avec l’arrivée d’un nouveau : la télévision n’a pas « tué » la radio, ni Internet la télévision… elles leur ont juste croqué du temps passé et de parts d’audience, donc des revenus publicitaires !
C’est plus compliqué pour les supports : il suffit de se souvenir du nombre de quotidiens et de magazines passés à la trappe ces dernières années.
Car il est difficile de lutter contre les chiffres d’audience vertigineux d’un YouTube.
Chaque jour, plus d’un milliard d’heures de vidéo sont visionnées sur YouTube (plus de 114 000 ans).
Pas étonnant donc qu’en 2016, le web ait supplanté la télévision en termes d’investissements publicitaires : on en parlait ici.
Mais le marché publicitaire n’étant pas extensible, il y a aussi nécessairement des gagnants et des perdants… comme pour les VTC.
Les perdants se situent bien évidemment parmi les influenceurs de la « longue traine » : car comme pour les blogueurs des années 2000, on distingue une poignée de Youtubeurs et autres Instagrameurs à très forte audience (plusieurs millions, même en France..) et qui gagnent plutôt bien leur vie – et une foultitude d’autres au lectorat plus confidentiel, qui sont soumis aux règles changeantes de monétisation des plateformes, ou aux petites solutions de crowdfunding comme Tipeee.
Autres perdants à – tout petit – moyen terme : les stars elles-mêmes qui n’auront pas su effectuer leur reconversion. Car ces influenceurs ne sont pas que des relais : ils sont eux aussi des produits… avec toute la durée de vie de ces produits !
Les marques aussi ont beaucoup à y perdre : les lectrices de Vogue ou Elle savaient distinguer la publicité du rédactionnel – plus crédible puisqu’indépendant ; les abonnées à une Youtubeuse ou à une Instagrameuse se montreront plus critiques, la confusion des genres étant connue : les influenceurs les plus courus seront-ils encore des témoins impartiaux ou des tiers de confiance ? A leur audience (sévère et volontiers critique) d’en juger.
Pour autant, l’alternative aux medias traditionnels que sont des plateformes sociales de streaming n’est pas près de refluer : car YouTube (et son propriétaire Google) font des envieux, et non des moindres : Amazon et Facebook avec Watch sont sur les rangs.
Oui, c’est encore une bataille entre GAFAs qu’il faudra suivre.