Connexion : pour un marketing de l’apaisement

9 mars 2017

Selon une récente enquête réalisée par l’Ifop, 41% des Français se déclarent inquiets à l’idée de perdre leur smartphone, 14% stressés, 8% angoissés et 9% carrément paniqués !

Peur de la déconnexion, de la coupure avec le monde, mais aussi de la privation de ses données personnelles et / ou de leur appropriation par des inconnus – sentiment partagé par de nombreux utilisateurs du monde entier, à un tel point que la King Abdullah University of Science and Technology réfléchit à des appareils capables de s’autodétruire à distance : Mission impossible pour tous ?

Le monde de demain, celui que l’on nous promet ultra-connecté et peuplé de robots et autres intelligences artificielles, miracle ou cauchemar ?

Vision idyllique des industriels, des ingénieurs et des startupers d’une société de … fainéants où les machines travailleront toutes seules, où les voitures nous conduiront selon notre bon plaisir, où nos appartements nous entoureront d’un confort douillet, nous nourriront même puisque nos réfrigérateurs commanderont les denrées qui font défaut pour que de gentils drones nous les livrent en temps utile !

Vision souvent beaucoup plus pessimiste des citoyens qui s’imaginent rapidement dépossédés de leur vie : quel plaisir d’aller assister à un concert qu’une intelligence artificielle aura choisi pour nous, de nous y rendre avec un(e) ami(e) qu’une autre intelligence artificielle aura choisi pour nous … sans oublier le risque que la voiture autonome dans laquelle nous montons nous envoie dans le décor sans que nous puissions rien faire pour l’en empêcher.

Peut-être aussi que le spectacle ou l’ami(e) sélectionnés ne seront pas du tout à notre goût parce qu’un hacker se sera amusé à nos dépends … avant de vider notre carte de crédit !

Ces 2 scenarii ne sont bien sûr que des fantasmes issus du champ des possibles. Notre réalité de demain (ou de dans 10 minutes selon l’échelle de temps que l’on veut bien adopter),

Les médias jouent un rôle important dans la construction d’un tel imaginaire, accordant une place importante à des évènements comme le premier accident mortel impliquant une Tesla ou le hacking de comptes Amazon ou d’autres grands acteurs du e-commerce.

Le marketing n’est certainement pas innocent dans la création d’un tel climat anxiogène : il a même tiré le premier en brossant une société simplifiée à l’extrême qu’on s’évertue à faire entrer dans la tête des consommateurs à coup d’emailings et de SMS non sollicités hier, et de notifications vides de sens aujourd’hui, et persisté avec le retargeting et la recommandation : les internautes se sentent désormais non seulement harcelés mais également dépossédés de leurs choix.

Demain, avec les progrès du bluetooth et de l’IOT conjugués à ceux du data mining, vont-ils réellement apprécier que leur smartphone (devenu leur doudou numérique) se transforme en mouchard aux abords des galeries marchandes (ou des marketplaces), simplement parce que tous les commerçants souhaiteront leur pousser leurs offres ?

Le marketing n’est pas seulement concerné au niveau tactique et opérationnel : il l’est également d’un point de vue stratégique dans la mise en avant des produits et services innovants, intelligents et connectés.

Dans De l’étude de motivation à la création publicitaire, Henri Joannis nous explique que dans un marché où les niveaux de tensions sont élevés, la meilleure stratégie consiste à diminuer les freins pour ne pas rendre les arbitrages des consommateurs encore plus difficiles.

Trop laisser la parole aux ingénieurs pour vanter leurs prouesses technologiques ne constitue pas nécessairement une bonne idée : certes, gonfler les biceps séduira toujours des journalistes en manque de sensationnel … mais toute surenchère en la matière ne peut qu’aboutir à stresser les consommateurs – exception faite des geeks, micro-cible que les techniciens adorent … parce qu’ils leurs ressemblent tant !

Le rôle du marketing dans les années à venir ne va pas être seulement de donner sens et valeur d’usage à des objets techniques connectées et intelligents et de proposer des services associés utiles et efficaces, mais aussi de déstresser le client potentiel : en 2 mots, apaiser un monde rendu fébrile par la profusion technologique et accompagner  le consommateur dans ses nouveaux usages en perpétuelle évolution.

Et ce, tant au niveau stratégique que tactique, en évitant notamment de harceler les citoyens dans leur intimité, mais surtout en entretenant avec eux une relation et un dialogue utiles fussent-ils alimentés par des algorithmes et de la smart data: car plus notre société s’automatisera avec la prolifération des robots, plus le marketing se devra de lui rendre son humanité.

Plus que d’un challenge, on est face ici à une révolution copernicienne où le marketing se mettrait à la fois au service des marques et à celui des consommateurs/citoyens.

Les technos pour mettre à l’oeuvre ce nouveau marketing sont déjà en place. Reste à en faire évoluer les pratiques. Chiche ?

Aller plus loin…

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