Disruption et big data

30 juin 2017

Le terme fait le buzz dans le petit monde du marketing depuis … 1997 et la publication du livre éponyme par Jean-Marie Dru. Petit rappel : c’est une marque déposée par TBWA dans 36 pays ; mais c’est aussi un vocable appartenant au lexique anglais, dont on peut se demander comment il a pu faire l’objet d’un dépôt dans les pays anglophones !

Le terme a pu faire le buzz, parce que propulsé par un publicitaire de talent et disposant de moyens : à l’époque, les grands patrons de la communication qui pondaient un ouvrage se voyaient généreusement offrir de l’espace par les régies publicitaires d’affichage, d’où ces magnifiques campagnes que même un Goncourt n’auraient jamais pu se payer.

Sinon, c’est juste l’art de faire du neuf avec du … très vieux ! Car le marketing se doit de pratiquer la disruption depuis toujours : tout concept se doit d’être innovant, crédible et bien sûr différenciant. Tout marketer qui se respecte pratique donc peu ou prou la disruption – à moins de se lancer dans le me too, ce qui ne garantit pas des marges conséquentes.

Alors pourquoi tant valoriser ce qui ne devrait être qu’une évidence, tant en marketing qu’en communication d’ailleurs ? Peut-être tut simplement parce qu’il y a plus de mauvais marketers, et de mauvais publicitaires, que de bons ? Et surtout, parce qu’il est plus facile de copier que d’innover.

Ce qui explique certainement le succès d’un autre ouvrage : La Stratégie Océan Bleu, où son auteur Chan Kim explique que la plupart des marques préfèrent se battre dans des marigots surencombrés plutôt que de se positionner là où la concurrence n’existe pas encore.

Peut-être parce toute stratégie disruptive repose sur une certaine prise de risque – pour ne pas dire une prise de risque certaine : les grands groupes se montrent généralement frileux face à tout ce qui peut à très court terme nuire à la rentabilité de l’action en bourse.

Pourtant les nouvelles technologies favorisent la disruption – les innovations différenciantes qui marquent une réelle rupture avec le passé : regardez du côté de Blablacar, Airbnb, Uber … La G7 aurait pu réinventer son métier de taxi avant de se voir chahuter par les VTC ; quant à la SNCF, elle a été longue à comprendre que le covoiturage était une menace et que son concurrent le plus dangereux n’était pas nécessairement l’aérien, face à ses TGV !

Et vu l’engouement actuel des services marketing pour le big data et surtout le marketing automation – le traitement automatisé des données en très grand nombre, pour jargonner plutôt en français –, les grandes marques ne sont prêtes à quitter l’océan rouge !

Petit rappel : le big data, c’est l’agrégation de données internes (pas nécessairement très différenciantes dans le cas de produits à très large diffusion) + de données exogènes (achetées par tous auprès des mêmes vendeurs) + de données glanées sur le Web social ; auxquelles vont s’ajouter des tas de données issues des objets connectés.

Face à cet amoncellement, nombreux sont les marketers qui espèrent qu’une bonne dose d’intelligence artificielle va leur permettre de toucher plus efficacement les populations les plus aisées à séduite … ce que vont faire de manière semblable les compétiteurs.

Le big data, l’intelligence artificielle ne sont pas à jeter aux orties ; mais peut-être serait-il souhaitable d’introduire dans le système une bonne dose de stratégie – d’intelligence humaine donc, avec une certaine prise de risque – pour penser et agir autrement : « Think different », proposait une publicité Apple …

Faute de quoi, les grandes entreprises sont condamnées à se laisser irrémédiablement dépasser par des startups, qui elles ne croulent pas sous les données – et n’ont pas grand chose à perdre non plus.

Aller plus loin…

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