Seth Godin, le père du permission marketing, et donc de l’inbound marketing qui en constitue la forme la plus récente, vient récemment de publier un article sur son blog consacré à la Pyramide de la valeur, un pyramide à 4 degrés qui s’empilent les uns sur les autres :
- Le nouveau le plus bas est celui de la fonction : quand deux produits remplissent pareillement la même fonction, le choix du consommateur se portera toujours sur le moins cher ;
- Vient ensuite le niveau de la connexion : à fonctions et prix équivalents, le consommateur privilégie le produit disposant de la plus forte communauté ;
- Le 3ème niveau est celui du style : à fonctions, prix et communautés équivalents, ce sera le design au sens large qui fera la différence – Godin évoque la « sexiness that style brings », rien de moins ;
- Le dernier niveau est celui de l’immédiateté, puisque plus personne ne veut attendre !
Pyramide qui n’est pas sans en rappeler d’autres, dont la fameuse Pyramide de Maslow qui offre la double caractéristique de figurer dans d’innombrables bibles du marketing … et de ne pas vraiment marcher – l’un expliquant peut-être l’autre !
On ne reviendra pas sur Maslow, mais on se posera plutôt la question de ce qui pousse les chercheurs les plus brillants à vouloir modéliser l’immodélisable.
Les failles du modèle précédent sont assez évidentes, surtout quand on considère un des produits phares évoqués par Godin, le Smartphone : fonctionnalités et design sont totalement indissociables et l’ergonomie passe bien souvent avant la communauté … voire avant tout.
Souvenons-nous de l’iPod : Apple ne fut ni le 1er à lancer un lecteur mp3, ou un lecteur mp3 puissant – rien qu’en France, Archos l’avait devancé avec un appareil à disque dur ; mais il fut le 1er à lancer un appareil ergonomique, bien plus cher cependant que tous ses compétiteurs.
La pyramide de Godin n’explique donc pas totalement le succès de l’iPhone : bien sûr, au début, on retrouve la recette qui fit le succès de l’iPod : un produit plus ergonomique et de nouvelles fonctions ; mais aujourd’hui, pourquoi – alors que Samsung, et LG notamment offrent des produits tout aussi attractifs, efficaces et moins chers – tant de consommateurs le préfèrent ? La « sexiness » et/ou la puissance de la communauté ont-elles seules fait la différence ?
Intervient ici une autre dimension : la dimension individuelle ! Tous les consommateurs ne privilégient pas les mêmes valeurs : certains posent au sommet de toutes les autres, l’image qu’ils souhaitent envoyer d’eux-mêmes (le fameux « besoin d’estime » de Maslow) alors que d’autres privilégient (si l’on se réfère encore à Maslow) le « besoin d’accomplissement de soi » et préféreront un produit respectueux de l’environnement par exemple.
Godin – que l’on adore par ailleurs – commet donc un peu la même erreur que Maslow : il n’existe pas de hiérarchie universelle, il n’est de hiérarchie qu’individuelle et les individus évoluent dans leurs usages, leurs croyances et leurs aspirations. Et c’est tant mieux !
Cela dit, la 4ème dimension introduite par Godin, celle de l’immédiateté, pose une vraie question : le rapport au temps – là encore très relatif d’un individu à l’autre – constituera-t-il un élément différenciateur stable, à l’heure où l’accélération- poussée par le marketing automation – est reine ? C’est le pari – réussi – de l’inbound marketing, entre autres, qui démontre sa pertinence. Parce que là encore, c’est un élément fort de personnalisation de la relation… quand il est bien exécuté.
Mais au final, la valeur rime aussi de plus en plus avec les valeurs, celles qui caractérisent l’individu à un certain instant de sa vie, et qui sont l’enjeu du marketing émotionnel.
Difficile à modéliser ? Oui. Ce qui n’est peut-être pas plus mal…