La prise de contrôle par Elon Musk secoue Twitter. Pourquoi c’est important et quels scénarios pour le futur ?
Le petitmonde de la tech est en ébullition depuis le rachat de Twitter par Elon Musk. Et même si ça vous semble excessif, c’est pourtant bien un twist qui compte dans l’histoire des réseaux sociaux. Pourtant, Twitter ne compte « que » 436 millions d’utilisateurs actifs, très loin derrière Facebook (2,9 milliards), Instagram (1,48 milliard), TikTok (1 milliard) ou même Snapchat (557 millions).Twitter est peut-être le réseau social le plus important au monde.
Pourquoi ? Parce que même si Twitter est quantitativement un nain au sein des grandes plateformes, ses audiences sont de celles qui comptent. Personnalités politiques, journalistes, médias, people et comptes de marques y sont présents et (très) actifs. Le compte Twitter est une part importante de l’identité numérique d’un individu, bien plus qu’un compte Facebook, et même qu’un compte LinkedIn pourtant dédié au monde professionnel.Quand bien même Twitter ne comptait que 100 000 utilisateurs, il péserait toujours dans les médias, dans les débats et dans la manière dont les news (vraies ou fake) y naissent et se propagent.Souvenons-nous que c’est sur Twitter seul que le #MeToo américain – suivi par le #BalanceTonPorc en VF – a révélé un problème à l’échelle de toute la société.
C’est aussi sur Twitter que les dénonciations publiques et la cancel culture ont fait florés, et dans tous les domaines, jusqu’au tracking des vols en jet privé des milliardaires.
Twitter : 1, démocratie : 0
Par son importance à la fois dans le politique et dans le monde médiatique, Twitter est peu à peu devenu un enjeu de démocratie, américaine, mais pas seulement…
C’est précisément pour ça qu’il faut être curieuxquand aux changements apportés par la prise de contrôle d’Elon Musk. Car on ne parle pas seulement de l’avenir d’un réseau en mal de popularité, mais bien d’un service dont on pouvait déjà observer de nombreuses failles et qui peut avoir un impact bien réel sur le monde à travers son influence. Car c’est aussi ça, le poids de la dépendance.
Quels scénarios pour le futur de Twitter ?
Auto-proclamé défenseur de la liberté d’expression, Elon Musk a marqué son arrivée aux commandes par une série de mesures : il a rétabli des compts bannis, piloté de nouveaux produits et instauré un fee de 8 dollars par mois pour utiliser la certification « Blue Check ».
Depuis, Twitter est en plein chaos. Environ la moitié de ses employés sont partis ou ont été licenciés. Même les régulateurs de la Federal Trade Commission et de l’Union européenne ont exigé que Musk maintienne une application efficace de la politique de sécurité et de confidentialité. Et Musk a autorisé le retour de Donald Trump sur Twitter après qu’un sondage en ligne ait montré que 52 % des sondés étaient en faveur de sa réintégration : Vox Populi, Vox Dei, avec toutes les limites du concept..
Un certain nombre d’annonceurs ont stoppé leurs achats media au milieu de toute cette agitation, menaçant ainsi la stabilité financière à court terme de l’entreprise.
À plusieurs égards, l’acquisition de Twitter par le fantasque et brillant Elon Musk soulève donc des questions intéressantes sur la direction que prend Twitter et sur les scénarios alternatifs pour l’avenir.
1. Vers une faillite de Twitter?
Les annonceurs sont essentiels pour l’avenir financier de Twitter, car la majeure partie des revenus de l’entreprise provient des publicités. Si de nombreux sponsors interrompent ou réduisent leurs dépenses, ce mouvement pourrait rapidement condamner la plateforme. Une perte de revenus substantiels pourrait rendre difficile le maintien des services de base ou la mise à jour de la plateforme. Selon des rapports de presse, Twitter a besoin de plus d’un milliard de dollars par an rien que pour rembourser sa dette et tout ce qui mettrait en danger le remboursement des prêts pourrait rendre l’entreprise très vulnérable.
2. Twitter : nouveau paradis des extrêmes ?
Bien que louables du point de vue de la liberté d’expression, ces décisions, ainsi qu’une probable diminution de la modération, pourraient entraîner une augmentation de la toxicité et de l’extrémisme sur la plateforme.
Aux US, Trump a environ 87 millions d’adeptes et la plateforme lui donne une portée énorme pour promouvoir ses points de vue incendiaires, surtout maintenant qu’il est un candidat présidentiel annoncé. Selon Axios, seules 60 des 560 personnes responsables de la modération du contenu font encore partie du personnel de Twitter. Ca semble un peu juste pour faire le job…
Le même problème se pose d’ailleurs pour d’autres influenceurs ayant des opinions en dehors du courant politique dominant. Avec l’aide de bots automatisés et le peu de personnel chargé de l’application de la loi, il est facile de diffuser des informations erronées et des points de vue extrêmes. Il suffit d’un tweet et d’une diffusion assistée par l’IA pour que les messages fassent le tour du monde et propagent les fake news, les théories complotistes, les incitations à la haine… faites votre choix !
3. Twitter (aussi…) connaitra des délestages?
Les démissions et les licenciements de nombreux ingénieurs pourraient rendre difficile pour Twitter la maintenance de son infrastructure technique et les protections contre les menaces à la vie privée et les attaques de hackers.
Le code étant réécrit à la hâte et les professionnels n’ayant qu’une expérience limitée des logiciels propriétaires de Twitter, la plateforme pourrait faire l’objet d’escroqueries criminelles, de piratages ou de menaces de ransomware. Les équipes chargées de la protection de la vie privée et de la sécurité, dont l’expertise permet de réduire ces risques, étant apparemment désorganisées par les départs de personnel, les difficultés liées à la maintenance du site et à la protection des utilisateurs augmentent considérablement.
4. Twitter plus riche grâce au premium ?
Les débuts difficiles de Musk en tant qu' »idiot en chef » ne sont toutefois pas un gage d’échec. De nombreuses organisations ont traversé des périodes difficiles, mais ont réussi à innover, à développer de nouveaux services et produits, et à prospérer sur le long terme. Car, oui, il est possible de réduire les coûts et le personnel, tout en continuant à lancer de nouveaux produits qui génèrent de l’utilisation et attirent les annonceurs.
Il ne faut pas croire que Musk est voué à l’échec alors qu’il existe des options de services premium dans les domaines du commerce, des communications, des rencontres, des jeux et du contenu pour adultes. L’un des secteurs les plus rentables d’Internet est celui des services pour adultes et Musk pourrait générer des revenus en offrant des fonctionnalités de matching… Verra-t-on naitre un Twinder ?
Bien sûr, on peut se demander si un site qui présente de l’extrémisme, de la toxicité et du contenu pour adultes peut attirer des annonceurs traditionnels qui souhaitent un site avec plus de garde-fous et de modération du contenu. Les entreprises établies qui possèdent des marques fortes ne voudront probablement pas être associées à une plateforme qui présente des contenus litigieux ou répréhensibles et pourraient réduire ou éliminer leurs publicités de la plateforme. Il faudra donc une grande dextérité au nouveau propriétaire de Twitter pour naviguer entre les nouveaux services qui génèrent du trafic et les contenus qui aliènent les utilisateurs et/ou les annonceurs.
Un mix de tous ces scénarios ?
Tous les scénarios mentionnés plus haut pourraient même se combiner. Twitter pourrait encourager l’extrémisme ET développer de nouveaux produits, tout en survivant à la contestation associée à ces mouvements.
Musk aime être au centre de la controverse et tolère parfaitement le ridicule et le mépris publics… ce qui est assez rare dans le petit monde plutôt politquement correct de la tech.
Twitter pourrait surprendre les experts en frôlant les limites de la rentabilité tout en attirant de nouveaux publics et en assurant la pérennité de l’entreprise. Ce serait un cas d’école inédit dans le business model du web social, quasi-exclusivement pubicitaire.
Rien que pour ça, le feuilleton vaut la peine.
Vous vous demandez si Twitter a toujours une place dans votre stratégie digitale ? Parlons-en.
Update au 19/12/2022 :
Dans un sondage posté aujourd’hui sur le réseau, Elon Musk demandait aux utilisateurs s’il devait se retirer du management de Twitter. 57% des votants disent oui ! On serait tenté de souhaiter bonne chance à son successeur…. Sauf que :
No one wants the job who can actually keep Twitter alive. There is no successor.
— Elon Musk (@elonmusk) December 19, 2022
Vox Populi, Vox Dei ?